Depuis 2018, Brahim Seddiki dirige les opérations de certification de BIOCERT en Algérie, un organisme dédié à la certification de produits biologiques. Fort de son expérience et de son engagement en faveur de l’agriculture biologique, Seddiki est également membre de la Fédération Internationale des Mouvements de l’Agriculture Biologique (IFOAM). Dans cet entretien, réalisé par Horizons, et mis en forme sous revue de presse, il partage son analyse sur l’état de l’agriculture biologique en Algérie, les obstacles rencontrés et les perspectives d’avenir.
Seddiki note que l’agriculture biologique en Algérie connaît une croissance remarquable. « Entre 2019 et 2023, nous sommes passés de 21 à 216 petites entreprises engagées dans l’agriculture biologique, soit une augmentation de plus de 900% en seulement quatre ans », souligne-t-il. Cette progression témoigne de la vitalité du secteur, avec de nombreux producteurs qui réussissent à exporter vers l’Europe et le Canada, tout en répondant à la demande intérieure.
La certification biologique est devenue un atout majeur pour les entreprises, leur permettant de se distinguer sur un marché compétitif. « La certification agit comme un gage de qualité et de confiance pour les consommateurs, de plus en plus sensibles aux questions de santé et d’environnement », explique Seddiki. Il observe également l’émergence de nouveaux canaux de distribution, comme les points de vente directs créés par les producteurs et le recours croissant au e-commerce et aux réseaux sociaux.
Malgré ces progrès, plusieurs défis freinent le développement de l’agriculture biologique en Algérie. Le principal obstacle, selon Seddiki, est le manque de communication efficace sur les bienfaits des produits biologiques. « Ce déficit d’information rend difficile pour les consommateurs de distinguer les produits certifiés des produits portant simplement la mention ‘bio’, sans contrôle adéquat », indique-t-il. Pour remédier à cette situation, il propose de mettre en place des campagnes de sensibilisation à grande échelle.
Un autre défi majeur est le manque de coordination entre les différentes parties prenantes du secteur, ce qui peut entraîner des incohérences dans les politiques et retarder la mise en place de normes nationales. « Il est essentiel de créer des plateformes de dialogue et de développer une stratégie nationale cohérente pour l’agriculture biologique », recommande-t-il.
Seddiki identifie plusieurs produits biologiques algériens avec un fort potentiel sur le marché international, tels que les dattes, l’huile d’olive, le safran, et les agrumes. « Les conditions climatiques uniques de l’Algérie confèrent à ces produits des caractéristiques particulières appréciées à l’étranger », affirme-t-il. Les régions agricoles peu exposées aux produits chimiques facilitent également la transition vers le bio, un avantage compétitif non négligeable.
Pour encourager le développement de l’agriculture biologique, Seddiki propose plusieurs mesures concrètes : un programme national de soutien à la certification bio, des formations régulières adaptées aux différentes cultures, un réseau de conseillers agricoles spécialisés, et des subventions pour couvrir les coûts de certification. Il insiste également sur l’importance de développer la recherche agronomique spécifique au bio et de lancer des campagnes de sensibilisation pour éduquer les consommateurs.
En tant que certificateur, Seddiki détaille les critères spécifiques pour accorder une certification biologique, alignés sur les normes internationales. « La traçabilité complète du produit est essentielle, de la production à l’emballage », précise-t-il. Les critères incluent l’absence de contamination chimique, des pratiques d’hygiène rigoureuses, et le respect de l’environnement. Des contrôles réguliers et des analyses de résidus garantissent la conformité continue aux normes biologiques.
L’agriculture biologique en Algérie est en pleine expansion, soutenue par une croissance significative des entreprises et une diversification des marchés. Cependant, pour réaliser pleinement son potentiel, des efforts concertés sont nécessaires pour surmonter les obstacles et renforcer la coordination entre les acteurs du secteur. Avec des mesures de soutien appropriées, l’Algérie peut devenir un acteur majeur sur le marché international des produits biologiques.