Les relations entre la France et l’Algérie, historiquement marquées par des hauts et des bas, traversent une nouvelle période de turbulence. Ce contexte tendu a des conséquences économiques directes, notamment sur les exportations françaises de blé tendre, traditionnellement un produit clé dans les échanges commerciaux entre les deux pays.
La campagne de commercialisation 2024/25 s’annonce difficile pour le blé français. Selon les dernières prévisions de FranceAgriMer, les exportations vers les pays tiers pourraient atteindre seulement 3,9 millions de tonnes (Mt), un chiffre bien inférieur aux 10 Mt enregistrées sur les deux précédentes campagnes. Une des causes principales de cette chute ? La quasi-absence de l’Algérie sur le marché français du blé.
L’Algérie, qui était encore récemment un client majeur de la France, achetant entre 2 et 6 Mt de blé chaque année dans les années 2010, a progressivement réduit ses importations. Sur la campagne 2023/24, ce volume est tombé à 1,6 Mt. Pour 2024/25, la situation semble encore plus préoccupante : en juillet, seules 31 500 tonnes de blé français ont été exportées vers l’Algérie, et plus aucune transaction n’a été enregistrée depuis.
Cette baisse des échanges est directement liée à une dégradation des relations diplomatiques entre Paris et Alger. En cause : la position affichée par Emmanuel Macron sur le Sahara occidental. Le soutien français à la souveraineté marocaine sur ce territoire contesté, réitéré en octobre devant le Parlement marocain, a exacerbé les tensions avec l’Algérie, alliée historique du Front Polisario.
Ces déclarations ont conduit Alger à rappeler son ambassadeur en France cet été, amplifiant une crise déjà latente depuis plusieurs années. En novembre, malgré des démentis des deux côtés sur une éventuelle rupture totale des échanges commerciaux, l’absence d’appels d’offres algériens pour le blé français témoigne d’un refroidissement marqué des relations.
Les difficultés diplomatiques actuelles ne font que renforcer une tendance amorcée en 2021, lorsque l’Algérie avait ouvert son marché à une concurrence accrue, notamment celle du blé russe. Ce virage avait été présenté à l’époque comme une volonté de diversifier les fournisseurs, mais il s’inscrivait déjà dans un contexte de tensions avec Paris.
Pour les acteurs français du secteur, la perte d’un marché aussi stratégique que l’Algérie est un coup dur. « Les relations sont compliquées pour des raisons diplomatiques qui n’ont rien à voir avec les céréales », reconnaît Benoît Piètrement, président du conseil spécialisé « grandes cultures » de FranceAgriMer. Il insiste néanmoins sur la nécessité de ne pas baisser les bras.
Les professionnels misent sur d’autres marchés, comme le Maroc ou l’Afrique subsaharienne, pour compenser cette perte. De plus, Benoît Piètrement se montre confiant quant à une possible amélioration des relations avec l’Algérie à moyen terme : « Il ne faut pas lâcher. Les relations commerciales évoluent, et ce qui est compliqué aujourd’hui peut s’arranger demain. »
En attendant, la filière céréalière française doit composer avec une faible production de blé tendre cette année, un défi supplémentaire qui limite sa capacité à exporter massivement. Face à une concurrence internationale accrue et des tensions géopolitiques persistantes, la stratégie d’adaptation et de diversification sera cruciale pour préserver la place de la France sur les marchés mondiaux.
Ainsi, au-delà des chiffres, cette crise révèle combien les enjeux diplomatiques peuvent peser sur l’économie agricole, rappelant l’interdépendance des secteurs économique et politique dans un contexte globalisé.